Le trappeur, fantôme d’Hollywood - La Vie des idées
Si, dans la mémoire états-unienne, les plus célèbres chasseurs de l’Ouest sont Jim Bridger, Kit Carson ou encore Hugh Glass, tous américains, c’est un Canadien nommé Étienne Provost (à l’origine d’un toponyme de l’Utah, la ville de Provo) qui, dans les années 1820, bénéficiait en réalité de la plus grande réputation : un entrepreneur de la fourrure le qualifiait alors (en français) de « l’âme des chasseurs des montagnes ». Hugh Glass fut même l’un des employés de Provost en 1824-1825. Par parenthèse, il est vraisemblable que le terme français « chasseur des montagnes » ait été adapté dans la langue anglaise-américaine (Mountain Man, Mountaineer, etc.), plutôt que l’inverse. De la même façon, beaucoup de toponymes de l’Ouest américain ont un substrat français (ou préalablement amérindien) : au début du XIXe siècle, on parlait ainsi des Côtes Noires et de la rivière Roche Jaune, plutôt que des Black Hills et de la Yellowstone. Comme l’illustre la minisérie Centennial, les tout premiers chasseurs et traiteurs d’origine européenne dans les Plaines, à partir de la fin du XVIIIe siècle, furent des francophones. Cette préséance du fait français, qui grippe un peu le moteur idéologique de la Destinée Manifeste (ou de l’exceptionnalisme états-unien) peut expliquer le faible intérêt des studios américains pour le monde « multiculturel » des trappeurs. La matrice hollywoodienne, en l’espèce, a contribué à étouffer la mémoire française du continent américain.
Wed Sep 2 11:56:42 2020 - permalink -
-
https://laviedesidees.fr/Le-trappeur-fantome-d-Hollywood.html